Le rapport sexuel : une situation à risque pour les femmes
Naturactive : - Pourquoi les rapports sexuels favorisent les cystites ?
Dr Géraldine Delot, gynécologue et sexologue : - Tout simplement à cause de l’anatomie de la femme. Lors d’un rapport sexuel, avec les mouvements de va-et-vient et les frottements, les germes digestifs passent avec beaucoup de facilité de la zone anale à la vulve, puis à l’urètre, et enfin à la vessie.
- Comment peut-on protéger sa muqueuse périnéale ?
- La femme ne doit pas être obsédée par son hygiène intime. En voulant nettoyer cette région dont l’équilibre reste fragile, il y a un risque de déstabiliser la flore présente. Il faut se laver sans excès avec des produits doux. Il ne faut pas hésiter à utiliser des lubrifiants pour réduire les frottements qui créent des microlésions au niveau de la vulve et de l’urètre, véritables portes d’entrée pour les germes. Pour diminuer l’irritation lors des rapports, la femme doit aussi se sentir suffisamment prête pour la pénétration. Se laisser le temps, s’écouter, sentir une juste tonicité au niveau de son périnée et être lubrifiée permet aux rapports d’être moins agressifs pour les muqueuses.
Quelles sont les causes des infections urinaires à répétition ?
Naturactive : - Selon vous, de nombreux facteurs pourraient être évités…
Dr Benoît Peyronnet : - Absolument, il y a de nombreux facteurs comportementaux modifiables. Il faut prendre le temps d’expliquer, d’éduquer, et d’inciter les femmes à mettre en œuvre des solutions simples. Tout d’abord, beaucoup d’infections urinaires sont appelées post-coïtales. Pour limiter ce risque, on recommande donc aux femmes d’aller uriner systématiquement après un rapport sexuel. De même, boire de façon insuffisante et ne pas aller fréquemment aux toilettes entraînent une stase urinaire dans la vessie et par conséquent offrent une magnifique opportunité aux germes de se multiplier, d’adhérer à la paroi vésicale et de causer une infection. Une toilette intime non adaptée, avec des produits trop agressifs provoque un déséquilibre de la flore périnéale et vaginale qui peut déclencher également la colonisation de germes pathogènes. Tout comme, on suppose également, les sous-vêtements synthétiques, très serrés ou humides. Je pense aussi à la constipation qu’il faut éviter à cause du risque de transfert des germes du rectum vers la vessie.
- Il existe aussi d’autres facteurs plus difficilement modifiables ?
- Oui. Et en particulier l’âge. En effet, à la ménopause, la carence hormonale entraîne une atrophie vaginale. Au niveau du périnée les tissus deviennent plus secs, plus friables, plus fragiles. Cette perturbation de la flore locale va favoriser grandement la colonisation des germes pathogènes. De même, en prenant de l’âge l’incontinence ou une altération de la vidange vésicale peuvent également se rajouter aux facteurs de risque.
- Une infection urinaire mal traitée est-elle la cause d’un nouvel épisode ?
- Effectivement, il est admis qu’un certain nombre de femmes font des récidives, car l’infection de départ a été mal traitée. Par exemple, un traitement a pu diminuer le nombre de colonies du germe Echerichia coli, mais pas de les faire disparaître complètement. Cela va faire le lit d’un nouvel épisode infectieux. D’ailleurs, bien boire et aller aux toilettes régulièrement est une stratégie qui fonctionne pour ne pas donner l’occasion aux germes à l’état latent de se remettre en activité.
Cranberry et autres conseils pour éviter les infections urinaires à répétition
Naturactive : - Aucun épisode infectieux n’est à négliger…
Dr Benoît Peyronnet : - L’avis de son médecin traitant est bien sûr nécessaire pour avoir un traitement adapté ; le cas échéant, un antibiotique pour enrayer l’infection. Si les épisodes ont tendance à se renouveler, l’utilisation répétée d’antibiotiques peut poser question en terme de résistance individuelle et collective, mais aussi en terme d’effets indésirables avec les risques d’allergies, d’apparition de perturbation du transit, de mycoses… Il est contrariant de se débarrasser de son infection et de voir apparaître d’autres pathologies ou signes d’inconfort.
- La Cranberry est souvent utilisée en prévention des infections urinaires à répétition, qu’en pensez-vous ?
- Il faut savoir que la Cranberry est la seule stratégie de prévention des récidives, non antibiotique, et au-delà des mesures hygiéno-diététiques, qui soit unanimement recommandée par la large majorité des sociétés savantes, comme l’Association Européenne d’Urologie ou l’Association Américaine d’Urologie. Depuis de nombreuses années, les études scientifiques nous amènent des preuves solides qui nous incitent à utiliser la Cranberry. Si les jus ou autres formes non concentrés n’ont jamais démontré scientifiquement leur efficacité, il est admis communément que l’extrait de Cranberry est efficace dès lors qu’il apporte 36 mg de Proanthocyanidines par jour, en limitant le risque d'adhésion du germe Escherichia coli à la paroi vésicale. Je précise que la Cranberry est parfois utilisée pour les formes aiguës d’infection urinaire. Même si aucune donnée scientifique ne valide cette utilisation, cela ne veut pas dire que cela ne fonctionne pas dans certains cas.
- Peut-on répéter les cures de Cranberry ?
- Classiquement, la cure de Cranberry dure 3 mois. Les cures peuvent se succéder sans problème tout au long de l’année. C’est l’immense avantage de cette stratégie, comparée à l’antibio-prophylaxie : aucun effet indésirable et pas de risque particulier à étendre l’utilisation dans le temps. D’après moi, l’utilisation de la Cranberry peut être aidante à plusieurs moments de la vie d’une femme y compris la grossesse, période où l’inconfort urinaire est souvent plus fréquent.
- Quels autres conseils donneriez-vous pour limiter des récidives de cystites ?
- Je dis souvent que la prévention urinaire est une somme de facteurs. Rien n’est à laisser de côté. Dans l’idée de modifier la composition des urines, comme le fait le Cranberry, on peut conseiller de varier les eaux consommées. Le jus d’agrumes, riche en citrate, permettrait également de lutter contre les germes pathogènes. Dans l’idée d’uriner plus fréquemment, vous l’aurez compris, l’hydratation tout au long de la journée est très importante. Au travail, à la maison ou en vacances, les femmes qui n’ont pas facilement accès aux toilettes présentent un risque beaucoup plus important de faire une infection urinaire. Il ne faudrait pas attendre plus de 3 ou 4 heures avec une vessie pleine. Dans l’idée de protéger ses muqueuses, une toilette douce avec des produits adaptés est conseillée. Aux toilettes, ne pas oublier de s’essuyer de l’avant vers l’arrière, et non l’inverse. À la ménopause, le traitement œstrogène local en ovule ou en crème peut également s’avérer être bénéfique.
- La consultation chez un urologue est-elle conseillée ?
- Dans le cas de récidives d’infection urinaire, elle l’est, pour éventuellement pousser les investigations un peu plus loin. Ne serait-ce aussi parce qu’il ne faut pas oublier que les infections urinaires, à tous les âges de la vie, peuvent être un signe d’appel d’un certain nombre de pathologies urinaires, qui seront évidemment mieux diagnostiquées et prises en charge par un spécialiste.
Comment se manifestent les infections urinaires à répétition ?
Naturactive : - Pouvez-vous nous rappeler les symptômes d’une infection urinaire ?
Dr Benoît Peyronnet, urologue : - Même si les symptômes peuvent varier d’une femme à l’autre, on retrouve fréquemment les brûlures à la miction, des douleurs dans le bas-ventre, la nécessité d’aller très souvent uriner… Dans tous les cas ces symptômes sont très inconfortables. Le quotidien est rapidement impacté. Malgré cela, beaucoup de cystites sont mal traitées ou sous-traitées parce que trop de femmes, encore aujourd’hui, n’osent pas consulter… Ce sujet est encore marginal ou tabou, comme tout ce qui a trait à la santé pelvienne ou intime.
- À quel moment parle-t-on d’infections urinaires à répétition ?
- S’il faut fixer un seuil, c’est au-delà de 4 infections sur une seule année. Mais ce qui compte tout autant que la fréquence, c’est l’impact des infections sur la patiente. Certaines femmes font de nombreuses infections urinaires sans que cela constitue un problème majeur, et d’autres en font peu, mais sous des formes très sévères.
- Les symptômes peuvent-ils s’accentuer avec la répétition des épisodes urinaires infectieux ?
- On le suppose. La répétition à l’extrême des infections pourrait avoir un effet cumulatif. L’inflammation de la vessie pourrait entraîner des séquelles au niveau des nerfs, s’apparentant à une hypersensibilité vésicale. En d’autres termes, la répétition serait à l’origine de formes chroniques qui ne sont plus bactériennes, mais neurogènes.