Dans le domaine de la nutrition, l’intérêt de ces petites molécules hautement protectrices est un vrai plus pour notre maintien en bonne santé. Notre spécialiste, Marie-Josèphe Amiot-Carlin, Directrice de recherche à l’INRAE, nous explique en quoi les phytonutriments, indispensables aux végétaux, le sont aussi pour nous.
Naturactive : - Qu’est-ce qu’un phytonutriment ?
Marie-Josèphe Amiot-Carlin : - Si les nutriments, les vitamines et les minéraux sont bien connus du grand public, des études récentes ont mis à jour le rôle de molécules encore plus petites : les phytomicronutriments ou phytonutriments. Ces composés se retrouvent essentiellement dans les végétaux – légumes, fruits et légumineuses - et de façon plus concentrée dans les tissus épidermiques périphériques, c’est-à-dire dans la peau, mais parfois aussi autour des pépins ou des noyaux : au niveau des zones du végétal où le besoin de protection est le plus fort !
- Vous dîtes que la couleur révèle leur présence…
- Tout à fait. Si on ne peut pas les voir à l’œil nu, il est facile de les repérer. Par exemple, le lycopène, qui est un caroténoïde, contribue à la couleur des tomates ; la cyanidine, qui est un anthocyane, contribue à la couleur des fraises et des cerises ; les composés soufrés sont retrouvés dans des légumes de couleur blanche. Certaines substances incolores vont même se révéler à notre œil. C’est le cas de la pomme : en la coupant, on voit apparaître du brunissement ; ce n’est rien d’autre que des phytonutriments qui se sont oxydés au contact de l’air. Les phytonutriments sont un plaisir pour les yeux mais aussi pour tous les autres sens : arômes, couleurs, textures en bouche… ils sont à l’origine de tout ce qui fait une belle et bonne assiette !
- Que se passe-t-il une fois ingérés ?
- Les phytonutriments entrent dans un processus de digestion au cours duquel ils sont libérés à différents niveaux : au cours de la mastication, dans l’estomac, dans l’intestin supérieur. Ensuite, ils vont, soit être absorbés en petite quantité, soit arriver très massivement dans le côlon où ils vont aussi subir un métabolisme via la microflore colique. Les phytonutriments, selon leurs caractères hydrophiles et lipophiles, sont distribués différemment dans nos organes.
- Ce qui amène une protection à différents niveaux ?
- Oui, c’est cela. En dépit de leurs petites quantités dans l’alimentation – de l’ordre du milligramme – ces phytoonutriments jouent un rôle de protection vis-à-vis des agressions que l’on subit tous les jours. Les phytonutriments vont agir aussi au niveau de l’expression de nos gènes en contrecarrant les processus dégradant notre santé, oculaire, osseuse, musculaire, vasculaire, mentale… Par exemple, stockés dans les tissus cutanés, les caroténoïdes jouent un rôle de protection, notamment contre les UV. Certains caroténoïdes, comme la lutéine - que l’on va trouver plutôt dans les légumes verts - et la zéaxanthine - que l’on va trouver dans le maïs - vont se localiser dans la macula de l’œil, et ainsi jouer un rôle de protection contre la lumière et plus largement contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Vous comprenez pourquoi les phytonutriments appartiennent à ce que j’appelle la nutrition préventive.
- La variété des phytonutriments semble la clef du succès ?
- Il faut comprendre que la quantité et la variété ingérées contribuent ensemble de manière additive, voire synergique, au maintien en bonne santé. Je dis toujours que les recommandations en diététique sont comme des partitions de musique : il est toujours possible de les moduler, de les jouer différemment en incluant toute la diversité souhaitée. L’apport d’une multitude de phytonutriments peut être comparé à une mélodie harmonieuse pour notre santé. D’un point de vue scientifique, par exemple, les composés soufrés vont bien se marier avec les composés phénoliques, qui vont bien se marier avec les caroténoïdes… Et il y a même des effets d’autoprotection de toutes ces molécules entre elles ! Les fruits et les légumes étant des apports très variés de phytonutriments, ils doivent être consommés quotidiennement en combinant toutes leurs couleurs.
- Comment être sûr de consommer suffisamment de végétaux ?
- Selon les recommandations en cours, il faudrait manger au moins 5 fruits et légumes par jour, soit au moins 400 g/jour. Sachant que la meilleure quantité serait entre 600 g et 800 g. En revanche dans les répertoires alimentaires il faut prendre compte l’aspect culturel, les modes de vie, les aversions… Par exemple, 20% des personnes ne consomment pas de choux. Au-delà des goûts et des aversions, qui s’expliquent peut-être génétiquement, il y a l’apprentissage. Les habitudes alimentaires se prennent très jeunes et il faut apprendre à l’enfant à apprécier les aliments nouveaux et variés. Il est vrai que consommer un fruit peut parfois être compliqué, d’abord cela se transporte mal, cela s’épluche, cela coule, cela colle, c’est parfois acide ! De même, les légumes, cela se lave, cela se cuisine ! Pour les petits budgets, les fruits et légumes ne sont pas prioritaires, car ils ont la réputation de ne pas assez nourrir et ils sont chers. Pour les personnes dont la vie est bien remplie, les fruits et les légumes ont la réputation d’être longs à cuisiner ou pas pratiques.
- Et pourtant les végétaux sont essentiels pour rester en bonne santé…
- En tant que nutritionniste en Santé publique, je ne peux que clamer haut et fort les innombrables bienfaits de l’alimentation-santé. Le concept d’une bonne alimentation doit être associé plus largement avec toutes les facettes de nos modes de vie. De plus, les phytonutriments sont également importants dans toutes les autres sphères du quotidien : pour une bonne qualité de sommeil, pour faire face au stress, pour soutenir une activité physique… Tout cela va ensemble. Les phytonutriments sont d’ailleurs très présents dans la diète méditerranéenne. Diète en grec ne veut pas dire régime, mais plutôt mode de vie. Prendre le temps, apprécier, faire la sieste, se nourrir sainement : toute une philosophie !
- Pour finir, est-il possible de repérer les déficits en phytonutriments ?
- Vous avez raison de poser cette question, car l’équilibre phytonutritionnel se révèle capital pour la santé. Depuis plusieurs années, à l’initiative des Laboratoires Pierre Fabre, un groupe d’experts dont je fais partie travaille ardemment sur ce sujet. Sur la base d’environ 250 études scientifiques hautement qualitatives, un outil innovant vient d’être élaboré, nommé Phyto’scope™. Sous forme de questionnaire, cet outil sur mesure permet, selon certains critères (âge, problématiques de santé…), de confronter ses besoins à sa propre consommation de phytonutriments, éventuellement d’identifier des déficits, et de se voir conseiller des familles d’aliments ou des compléments de phytothérapie correspondants aux phytonutriments manquants… Notez que le Phyto’scope™ est gratuitement mis à disposition sur le site naturactive.fr. Une nouvelle approche individualisée idéale pour s’approprier sa santé en agissant sur ses propres leviers !