598 grands pots de verre remplis de matière végétale en parfait état : « Je ne pensais pas un jour hériter d’un tel cadeau ! » s’extasie encore Jacques Fleurentin, pharmacien et ethnopharmacologue, nouveau responsable du droguier venu de la faculté de pharmacie de Nancy.
Naturactive : - Quelle est l’histoire de cette collection ?
Jacques Fleurentin : - Malheureusement nous n’avons pas retrouvé de traces écrites sur ses origines, ni même sur son contenu. Il faudra beaucoup de temps pour faire les recherches nécessaires. Une chose est sûre ; jusqu’au XVIIe siècle, tout droguier jouait un rôle essentiel dans la formation des jeunes médecins de la région. À l’époque la pharmacologie était une des principales matières enseignées dans les écoles de médecine. On y apprenait ainsi à reconnaître la matière première à utiliser dans la fabrication des médicaments. Quant à ce droguier, on pense qu’il serait arrivé à la faculté de pharmacie de Nancy vers 1872, au moment de l’invasion allemande. Et il y est resté pendant des décennies.
- Jusqu’à ce que…
- Il y a environ deux ans, lorsque l’établissement a envisagé de déménager, sa doyenne m’a alors proposé d’en faire l’acquisition, en tant que président de la Société Française d’Ethnopharmacologie. Il aurait été dommage que, faute de place, cet ensemble exceptionnel se retrouve à la cave ou au grenier… Quel trésor pour nous qui travaillons depuis trente années sur les plantes du monde ! Même si les plantes sont trop anciennes pour être chimiquement étudiées, il est intéressant de les observer, de chercher leurs origines et leurs utilisations.
- Certaines plantes viennent de très loin ?
- La majorité est locale. Toutefois, entre 200 et 300 espèces, moins connues, proviennent de diverses régions du monde. Parmi les générations de professeurs de pharmacie qui se sont succédées, on imagine qu’il y avait des explorateurs. Certaines plantes ont pu être échangées avec les facultés de Paris ou Montpellier. Nos locaux, au cloître des Récollets, nous ont permis de mettre en valeur l’ensemble de la collection dans du mobilier d’herboristerie ancien. Cela a même été l’occasion d’exposer d’autres matériaux en notre possession : herbiers et droguiers venus de Lorraine, mais aussi d’Afghanistan, de Chine ou du Yémen.
- Dorénavant, aux Récollets, la plante séchée y côtoie la plante vivante ?
- Exactement. Dans le cloître se trouvent un jardin de plantes médicinales et un jardin des plantes toxiques qui soignent. Mais également une bibliothèque de plus de 800 ouvrages de botanique. C’est devenu un lieu-ressource très intéressant dans ce domaine. Tout l’été, nous organisons des visites gratuites des jardins. Dorénavant, nous amènerons les visiteurs admirer le droguier. Objet de curiosité, il a déjà beaucoup de succès !
- Et si les pots pouvaient parler…
- Ils nous rappelleraient l’histoire de la médecine et de la pharmacie. Vous savez, à une époque, pas si lointaine, presque l’intégralité des médicaments était des plantes. Aujourd’hui encore la médecine devrait choisir parmi la palette thérapeutique mise à sa disposition : des médicaments issus de la chimie jusqu’à ceux issus de la nature.